ESTHÉTIQUE
SIMPLICITÉ
EFFICACITÉ

Aneartiste sur deviantartAneartiste sur twitter Aneartiste sur scoop-it

Flat design: du FONCTIONNALISME au MINIMALISME (ou l'inverse)

Le flat design est-il une résurgence du fonctionnalisme de la fin du XIXe siècle ?

Tout serait affaire de réaction. Au milieu du XIXe siècle le mouvement Arts & Crafts prenait le contre-pied du machinisme en valorisant la confection manuelle et en rejetant les ornementations artificielles créées par les machines (une accusation de tricherie qui coïncide étrangement avec les revendications actuelles du flat design). Et ce, juste avant que le fonctionnalisme ne s'élève contre la copie servile des styles classiques ou l'inventivité luxuriante de l'Art Nouveau pour imposer une doctrine esthétique résumée ainsi par Louis Sullivan : « la forme suit la fonction » ou autrement dit, c'est la fonction qui impose la forme ».

bauhaus affiche,bauhaus affichesbauhaus affiches

« On ne pourra bien dessiner le simple qu'après une étude approfondie du complexe. »
—Le Nouvel Esprit scientifique, Gaston Bachelard

Le fonctionnalisme engendrera l'école de Chicago (1875-1905), le Deutscher Werkbund, les Wiener Werkstätte et le Bauhaus. Pour Louis Sullivan, le fonctionnalisme résulte d'une observation approfondie des processus évolutionnistes de la nature. Chaque forme obéit à une nécessité, la « séduction » résultante allant de pair avec l'élimination du superflu. Dans un contexte de reconstruction, le mouvement du Bauhaus développe de son coté un style graphique qui, à contre courant de mouvements artistiques élitistes du XIX siècles, prône la création en quantité industrielle et à bas coùt. Pour Walter Gropius, le principe est de créer le compagnonnage de la main et de la machine dans la production, c'est à dire ne pas faire imiter par la machine des produits faits à la main, mais créer des objets, faits à la main, qui pourront ensuite être manufacturés. En développant l'idée qu'un produit pouvait être à la fois simple, esthétique, fonctionnel et accessible au plus grand nombre, l'influence du Bauhaus a été déterminante dans l'évolution du design moderne. Mais bien que le concept fonctionnaliste paraisse très simple, les divergences d'interprétations seront nombreuses, et particulierement à propos de la fonction. C'est ainsi que rationalistes (« la fonction, c'est ce qui est utile ») et expressionnistes (« les émotions sont aussi une fonction ») se revendiqueront également fonctionnalistes.

Le design post-moderniste, une remise en cause politique.

Le fonctionnalisme dominera le design moderne jusqu'au début des années 60 avant d'être remis en cause par une partie du mouvement post-modernistes à partir de 1968, dont l'Antidesign, le Design radical, ou encore Neopop. Adolfo Natalini écrivait en 1971: « si le design est plutôt une incitation à consommer, alors nous devons rejeter le design (…) jusqu'à ce que tout acte de design ait pour but de rencontrer les besoins primordiaux. D'ici là, le design doit disparaître ». À partir des années 1980, le public, conquis, réclamera des objets " excentriques ", comportant des éléments de décoration non fonctionnels. D'autres courants y intègreront peu à peu les notions de recyclage, de récupération, de réappropriation. Dans le domaine du design d'objets, le steampunk s'est incontestablement imposé comme un courant contestataire, avec une prédilection pour la «piraterie mécanique», commercialisé entre autre par Datamancer, grand spécialiste des bricolages rétro-futuristes personnalisés. Dans ce contexte, le skeuomorphisme (néologisme, régulièrement utilisé comme traduction du terme anglais pour désigner des éléments d'interface informatique qui reproduisent de manière ornementale des objets familiers remplissant les mêmes fonctions, afin d'en rendre l'utilisation totalement intuitive) peut apparaitre comme un cousin proche du design steampunk.

skeuomorphisme,skeuomorphisme macskeuomorphisme mac

Le design minimaliste n'est pas une tendance récente dans le graphisme. Pourquoi le Flat Design est-il à la mode ?

Le terme flat design sera popularisé par Allan Grinshtein expliquant dans " The Flat Design Era " (L'ère du design plat - 2012), que les interfaces élégantes avec le moins d'éléments graphiques possible, sont celles qui ont le plus d'impact. Le flat design se définit donc comme un design graphique minimaliste, débarrassé de tout ornement en relief, sans aucune texture, et au sein duquel aplats colorés et typographie seraient donc privilégiés. L’absence d’effets volume facilite grandement le déploiement d’un logotype dans ses multiples déclinaisons et évite ainsi des problèmes techniques ou des incohérences (signalétique enseigne, marquage monochrome…). Autant d’atouts que les marques ne pouvaient négliger jusque dans la refonte de leur identité. Néanmoins le design plat cumule deux handicaps de taille. De par son caractère minimaliste, il est très probable d'arriver à un même traitement graphique pour certaines choses. La démarquation entre style et identité s'en trouve donc amoindrie. D'autre part, le rejet systématique du skeuomorphisme est propice à générer un manque d'affordance. L'affordance étant « la capacité d'un système ou d'un produit à suggérer sa propre utilisation ».

icônes flat design,flat icons webdesignerdepotflat icons webdesignerdepot

« L'idée de standardisation est un effort pour réduire et simplifier le plus grand nombre des besoins humains à la plus grande égalité... il dépend de nous que la standardisation ouvre ou non des domaines d'expèrience plus intéressants que ceux qu'elle ferme. »
—Asger Jorn, 1958

Dans le web design, cette vogue s'explique cependant, en partie, par le contexte de création des designs adaptatifs, le minimalisme s'harmonisant mieux avec les différents systèmes d'opération (iOS, Android, Windows 8) qui existent sur le marché. S'y ajoute des contraintes de légèreté et de lisibilité, le design responsive, par sa souplesse, ne laissant que très peu de place au superflu graphique. Cependant le retour du minimalisme dans le design ne date pas d'hier. Dès la fin des années 80. Philippe Starck et Borek Sìpek ont incarné de façon différente un retour vers le design décoratif, matérialisé par un style aux lignes fluides, nettes, précises, aérodynamiques, voir biomorphique (les formes organiques de Ross Lovegrove ou futuristes de Karim Rashid). Y sont toujours présent l'humour (revendiqué dés les débuts par Starck), la fantaisie, l'imaginaire, ouvrant ainsi la porte aux expériences subjectives.

« Il fut un temps où l'on considérait que l'art générait de nouveaux langages tandis que le design les utilisait. Aujourd'hui, nous assistons au phénomène inverse... »
—Andrea Branzi

Un contenu que pourrait hypothéquer la tendance la plus radicale du flat design. A trop se plier aux dictats de l'efficacité et du référencement, ce dernier risquerait de perdre son âme et de revenir à un fonctionnalisme aride et déshumanisé proche de celui conceptualisé par John Searle. Andrea Branzi déclarait: « Le design est une activité liée à une pensée complexe et à une logique originale où la recherche esthétique s'associe aux stratégies industrielles et où la technologie n'est qu'une partie d'un vaste contexte symbolique. Les rapports entre l'art et le design sont beaucoup plus difficiles à mettre en théorie, en raison de leur caractère spontané et discontinu. »

publié le 02/03/2014, à 17h45 par Frédéric Schäfer


suivant