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Des graphistes contre Poutine

Putin a Rainbow (путин радуги)

L'adoption de la loi s'opposant à la sensibilisation contre l’homophobie initiée par Poutine en juin 2013 et confortée par un climat délétère « a été suivie de rhétorique homophobe dans les médias favorables au pouvoir, et d'une escalade de la violence homophobe », avait déclaré en 2016 l'ONG Human Rights Watch. Pour contrer la répression de la communauté LGBT en Russie, A.V Tsvetkov, un internaute qui à plusieurs reprises a défié les autorités de son pays à travers ses publications caricaturales du président diffuse alors un photo-montage, une photo du président Vladimir Poutine maquillé avec du rouge à lèvres et du mascara et posant devant le drapeau arc-en-ciel. Après plusieurs interdictions, le 11 mai 2016, le ministère russe de la Justice rend un jugement interdisant toute représentation de Vladimir Poutine en homosexuel. Les procès-verbaux de l'audience expliquent que l'image « suggère une prétendue orientation sexuelle non conforme du président ». Le cliché jugé "extrémiste" est devenu illégal. A la suite de cette mesure des manifestants anti-homophobie ont décidé de défiler avec la caricature de Vladimir Poutine dans les rues. Le concept de Putin a Rainbow lancé par Yuri Veerman est simple : des photos de Vladimir Poutine associée à un arc-en-ciel, symbole interdit par la loi "anti-propagande gay". Les images absurdes et drôles défilent et dénoncent toutes un système et une loi ridicule.

Poutine arc-en-ciel,A.V Tsvetkov/Putin a RainbowA.V Tsvetkov/Putin a Rainbow

« La caricature politique a presque disparu des journaux de Russie et pour voir le Premier ministre Vladimir Poutine et le président Dmitri Medvedev tournés en ridicule d'un coup de crayon, c'est vers l'internet qu'il faut se tourner. »
—Viktor Bogorad


Россия без Путина

On le sait, Les droits à la liberté d‘expression sont sévèrement limité en Russie, que ce soit dans dans les textes comme dans la pratique. Le FSB (principal successeur du KGB soviétique) a spécifié le 1er octobre 2021 une liste de 60 sujets qui ne doivent pas être abordés, sous peine d’être classés "agents de l’étranger". L'article spécifie que le seul fait de transmettre la liste de données figurant dans le document peut conduire a des poursuites. Détail pathétique quand on est conscient de la propagande conspirationniste permanente au cœur des médias russes, au prétexte de lutter contre les fake news, la Russie s’était déjà dotée en 2019 d’une loi punissant toute "information non fiable". Aucun critère précis ne permet de déterminer ce qu'est une "information non fiable". Le régime de Vladimir Poutine en est seul juge. Dans ce contexte, la vérité la plus banale, voire indiscutable, devient hautement subversive dés lors que son énoncé est décrété illégal. C'est dans ce contexte que l'activiste Pavel Chuprunov avait lancé la commercialisation par PolitPlay du jeu "Россия без Путина". La Russie sans Poutine est un jeu de société politique, « qui présente des personnalités politiques de la Fédération de Russie moderne et de vraies nouvelles sur la situation politique dans le pays », conçu pour quatre joueurs et vendu au alentour de 1 490 ₽et. Pavel Chuprunov sera arrété et l'affaire portée devant la cour européenne des droits de l'homme par son avocat. Depuis, le jeu s'était vu doté de compléments et PolitPlay a continué d'exister tant bien que mal jusqu'aux alentours de 2020…

La Russie sans Poutine jeu de société,La Russie sans PoutineLa Russie sans Poutine

« si nous nous débarrassons de toute complaisance et réapprenons à tenir tête aux dictateurs, nous pourrons changer de cap. »
—Garry Kasparov


Violence d'état ("Единая Россия" вышла из-под контроля)

Toute personne en Russie qui ne suivra pas la propagande d'Etat sur la guerre en Ukraine, présentée officiellement comme une "opération spéciale", risque quinze ans de prison pour diffusion de "fausses informations". Ce nouvel amendement a été voté à l'unanimité vendredi 4 mars par la Douma. Une étape de plus dans la tentative des autorités de museler toute voix discordante dans le pays. Le Poutinisme, régime politique basé sur la peur, le mystère et la propagande, est une menace constante contre la démocratie et les droits de l'homme dans le monde. Le Poutinisme est un régime fondamentalement violent (entre 100 000 et 300 000 civils tués en Tchétchénie, mais aussi assassinats politiques d'Alexandre Litvinenko, de Boris Nemtsov, d'Anna Politskovskaïa, tentative d'empoisonnement de Navalny, sans compter les circonstances suspectes entourant certains événements comme la chute du MH17 en 2014). Depuis plusieurs années Poutine utilise sciemment la violence comme outil pour façonner la mentalité russe et conserver son pouvoir. En réponse l'Human Rights Foundation (HRF) a fondé "PutinCon" à New York en 2019 afin de dénoncer ces crimes et soutenir les droits de l'homme et la démocratie en Russie. Aujourd'hui, PutinCon Live donne la parole sur les espaces Twitter à des militants de renommée mondiale, des défenseurs des droits de l'homme, des enquêteurs, des experts en guerre hybride, des technologues et des décideurs pour réfléchir à la manière de contrer ces dérives.

Affiche Puticon,PuticonPuticon

« United Russia est le parti de la corruption, le parti des escrocs et des voleurs. Et il est du devoir de chaque patriote et citoyen de notre pays de s'assurer que ce parti sera détruit. »
—Alexey Navalny


Censure internet en Russie (Цензура интернета)

Le blocage de sites web est un exercice bien rodé en Russie. On trouvera dans cette liste "subversive" des adresses aussi diverses que Archive.org, Live-journal ou en.Wikipedia, le contenu détaillé de la liste noire gérée par Roskomnadzor n'est cependant pas accessible au grand public. Le régulateur des médias s'est illustré à de multiples reprises dans des condamnations contre Google, Facebook, Instagram et Twitter pour la médiatisaion de propos jugés "dangereux". En 2021 Facebook et Twitter ont été condamnés respectivement à 21 et 5 millions de roubles d'amende (245.000 et 58.200 euros) pour avoir refusé de supprimer des contenus. La messagerie Telegram, fondée par le Russe Pavel Dourov, a elle écopé de 9 millions de roubles (105.000 euros) pour le même type d'accusations, Moscou les accusants de garder en ligne des publications faisant l'apologie des drogues ou du suicide.

Pourtant, une enquète approfondie concernant les plus de 600 messages répertoriés dans les procédures judiciaires révèle que sur la totalté d'entre elles, neuf seulement concernent la maltraitance des enfants ou la drogue, et une douzaine font référence au suicide, tandis que l'écrasante majorité étaient des appels à participer à des manifestations pro-Navalny. Au 10 Mars dernier, plus de 270 noms de domaine auraient été bloqués par le Kremlin depuis l'invasion de l'Ukraine, dont 147 sites web d'information, plus de 70 plateformes de change et de crypto-monnaie suite à la dévaluation du rouble, et 29 sites « anti-guerre ». D’un point de vue géographique, la liste des sites interdits dénombre 75 domaines russes. Où s'exprimer ? lorsque le contrôle des médias s'accentue, la liberté d'expression se niche dans les failles… La satire s’est simplement réfugiée sur les derniers espaces Internet encore accessibles, à la radio, dans la littérature et dans les blagues que partagent les gens en privé.

Caricatures Poutine,S. Kumar/Eduard Kocja/A. CarrilhoS. Kumar/Eduard Kocja/A. Carrilho

« Maître Corbeau, vous votez pour Poutine? – Oui...oups, mon fromage! – Et tu crois que si tu avais dit "non", ça aurait changé quelque chose ?, rétorque le renard. »
—blague russe


Iconoclastie (иконоборческая карикатура)

Comme le soulignait Lorraine de Meaux, doctoresse en histoire russe à Paris-I, dans "La caricature au risque des autorités politiques et religieuses", recueil mis en ligne en 2012 : « Au pays de l’image pieuse et salvatrice, la caricature volontiers désacralisante a connu plus d’un revers. » De fait, explique-t-elle, « ni la Russie autocratique à l’efficace censure, ni la terreur soviétique, ni l’actuelle Fédération de Russie n’ont favorisé le genre de la libre caricature politique ». Cette dernière ne se serait épanouie que dans les périodes de troubles. La période actuelle ne fait guère figure d'exception sous la chape de plomb pesant sur la presse fédérale. Dans ce contexte, trouver un dessin se moquant du pouvoir russe relève de la mission impossible. Si cette forme d'art existe toujours, elle est devenue confidentielle voire "clandestine" affirme Viktor Chenderovitch, créateur dans les années 1990 de l'émission politique de marionnettes, Koukly, déprogrammée de la chaîne NTV en 2004 alors que s'achevait la reprise en main des médias par le pouvoir. Le nouveau maître du Kremlin n’avait pas du tout apprécié d’être caricaturé en bébé beuglant à tous les vents qu’il fallait “buter les terroristes jusque dans les chiottes”.

Caricatures Poutine,Mark Krow/Tomasz Czerwinski/AnonymMark Krow/Tomasz Czerwinski/Anonym

« Il n'existe pas de caricature politique là où il n'y a pas de la lutte politique et là où la plupart des journaux dépendent du pouvoir. »
—Viktor Bogorad


Opposition à la guerre (Нет войне)

Au tout début, le régime a pu faire accepter la “libération” du Donbass à une partie de la population, très patriote voire nationaliste. Mais leur expliquer les bombardements de Kiev ou Kharkov, cela commence à devenir compliqué. l'opposition à la guerre gagne lentement et le pouvoir a peur de ces manifestations. Dans la rue, les rassemblements de protestation ont commencé dès le premier jour de l’attaque lancée par Vladimir Poutine. Et la mobilisation s'est accentuée malgré les risques qui pèsent sur les manifestants. En quelques jours, la police russe a déjà procédé à plus de 7400 arrestations. Le moindre signe d’opposition à la guerre est interdit. Pour les manifestants qui échappent au passage à tabac, plane – dans le moins pire des cas – une condamnation à une amende de 300 000 roubles (équivalent à 3400 euros avant la chute du rouble). Anonymes ou revendiquées, les protestations prennent de multiples formes. Des graffitis contre la guerre – l’un a même été peint sur la porte du siège de la Douma – jusqu’aux pétitions dénonçant l’invasion. Les affiches suivantes sont successivement de l'ukrainienne Dana Kosmina, d'Anton Stogov (ce designer fut emprisonné durant deux mois en 2014 pour "participation" aux émeutes de la rue Hrouchevskiy) et de Neopren.

Affiches anti-Putin,D. Kosmina/A. Stogov/NeoprenD. Kosmina/A. Stogov/Neopren

« Tout ce qui concerne la satire politique, il faut aller le chercher sur l'internet, qui reste le dernier espace de liberté. »
—Viktor Bogorad


Parier sur la paix ? (надежда, несмотря ни на что)

La guerre en Ukraine débutée en 2014 dans le Donbass dure avec une intensité plus ou moins grande depuis 8 ans. Mais ce qui a changé, c'est l'impulsion déraisonnable donnée à celle-ci par l'invasion russe. Vladimir Poutine semble pris au piège de son propre engrenage belliciste et, emporté par une logique de surenchère, déterminé à toutes les outrances pour parvenir à ses fins. Les appels à la paix, seules lueurs d'espoir face à la catastrophe irrémédiable paraîssent dérisoires. Parce que tout conflit entraine une polarisation exacerbée des opinions, la solidarité envers les réfugiés ukrainiens doit déjouer les pièges des replis xénophobes et des crispations nationalistes. Même si de plus en plus, faire le pari de la paix semble utopique, « Il n’est jamais trop tard pour nouer des négociations de bonne foi et aborder tous les problèmes de manière pacifique », a fait valoir le secrétaire général des Nations unies. Les auteurs des trois affiches ci-dessous sont, dans l'ordre, T.Martynets (Ukraine), Kei Sato (Japan) et Erin Wright (USA). D'autres encore sont visibles sur sostav.ua.

Affiches contre la guerre,T.Martynets/K. Sato/E. WrightT.Martynets/K. Sato/E. Wright


publié le 13/03/2022, à 12h55 par Frédéric Schäfer

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