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Webdesign et écologie

L'esthétique poids-plume

Le paradoxe de Jevons énonce que plus l'évolution technologique augmente l'efficacité d'une ressource, plus sa consommation augmente. C'est exactement le genre de contradiction auquel se heurte la technologie numérique. Lorsque j'ai préparé mon diplôme en webdesign dans les années 2000, la règle était de 100 Ko maximum pour le poids d'une page web. Il y a peu, Alex Russel, un ingénieur de Google, déterminait ainsi le poids idéal d'une page web en 2021 : environ 100 Ko (gzippé) de HTML / CSS / polices et entre 300 à 350 Ko de JavaScript sur le fil (compressé). Soit approximativement 500 Ko pour une page unique et l’ensemble de ses ressources. Un objectif visiblement hors d'atteinte pour l'immense majorité des développeurs puisque le poids moyen d'une page Internet serait aujourd'hui de 2,3 Mo, soit le poids du jeu Doom complet dans sa version sortie en 1993 par ID Software. Pour résumer, une page web pèse aujourd'hui en moyenne 200 fois plus qu'il y a vingt ans. Frédéric Filloux, co-chroniqueur du blogue Monday Note, a calculé que l'affichage d’une page de texte requiert actuellement de 6 à 55 pages de code HTML. Un seuil que certains dépassent sans le moindre complexe.

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« Les problèmes du monde ne peuvent être résolus par des sceptiques ou des cyniques dont les horizons se limitent aux réalités évidentes. »
—John F. Kennedy

Le poids des pages et le choc des photons

L'affichage des pages web sur nos écrans a beau être virtuel, il n'en consomme pas moins une énergie considérable. Les émissions carbone des serveurs, centres de données, réseaux de communication et appareils utilisés pour naviguer sur le net représentent 2% des émissions mondiales (autant que l’industrie aéronautique considérée comme l’une des plus polluantes !). Le site GT Metrix permet de calculer rapidement le poids total d'une page web quelconque, toutes requêtes comprises. Une utilisation pertinente de l'outil de calcul suffit pour faire un état des lieux suffisamment représentatif de la situation (sans être exhaustif). J'ai ainsi établi un classement rapide en recherchant quelques sites connus. Arrivent en tête avec des scores dépassant les 7,5 Mb par page et dans l'ordre décroissant : "TikTok" (remportant le titre de champion des pollueurs en frôlant les 10 Mb), "Reddit", et "Ebay". Viennent ensuite, mais se détachant rapidement du peloton de tête "Le Bon Coin" (6.25 Mb), "Vinted" (5.38 Mb), "Snapchat" (4.67 Mb… mais la page "Snap Creators" bat tous les records avec 17.1 Mb), "Emmaüs-France" (4.35 Mb), "Ins­ta­gram" (4.29 Mb), "You­tube" (4.20 Mb), "Ikea" (4.04 Mb), "Pin­te­rest" (3.82 Mb), "Cdiscount" (3.70 Mb), "Ama­zon" (3,38 Mb), "Face­book" (3.28 Mb). Et il faut souligner que l'empreinte carbone d'une page web est multiplié par le taux de fréquentation du site. Pour couronner le tout, on apprendra ailleurs que jusqu'à 70% de la consommation électrique (et donc du carbone) émis par une visite sur un site provient de la pub et des statistiques. Utiliser un bloqueur de pub, ainsi qu'un anti-traceur devient en conséquence un geste écologique. On peut ainsi diminuer de près de moitié la pollution émise par sa propre navigation.

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« Ce qui caractérise notre époque, c'est la perfection des moyens et la confusion des fins. »
—Albert Einstein


La bienveillance des machines

La grande majorité des sites, obligés de proposer l'acceptation des cookies, se justifie en imposant systématiquement une partie d'entre eux dits "opérationnels" ou "indispensables". Or il n'est nullement indispensables d'utiliser des cookies pour afficher une page web. Ils ne sont nécessaires au navigateur que pour l'affichage de pages personnalisées, généralement protégées par un mot de passe et nécessitant donc l'accord explicite du visiteur. Déclarer qu'il y a des cookies indispensables, c'est finalement avouer que le visiteur est déjà tracé dès l'ouverture de la page d'accueil, c'est-à-dire immédiatement reconnu et surveillé par l'intermédiaire de son empreinte numérique. Si cette fameuse "bienveillance" est cachée, c'est qu'elle est toxique. On constate ainsi assez rapidement, en examinant les choses sous un angle éthique, qu'il est possible de réduire de moitié le poids d'une page html ou php en se contentant de l'indispensable. Pour le site "7 et caetera", j'ai installé un strict minimum de cookies, désactivés par défaut et ne nécessitant pas d'accord préalable pour rester neutres. La fenêtre d'avertissement se ferme automatiquement au bout de quelques secondes si elle n'est pas activée. Inutile, donc, de charger des bibliothèques javascript élaborées, inutile également d'utiliser des outils de suivi d'audience tels que Google Analytics. Et c'est autant de place gagnée pour utiliser de beaux graphismes et se faire plaisir visuellement.

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« On a les Lumières qu'on peut, notre époque se sera éclairée à la pollution lumineuse. »
—Annie Le Brun


De l'utilisation judicieuse des images

Pour les fonds, j'ai privilégié des couleurs unies animées par des motifs au format .png. du .gif pour les images noir et blanc de petite taille, du mozjpeg pour les autres, plus performant que le .webp dans les tailles réduites. Le résultat final donne un site maniable et léger. Étalonné sur websitecarbon.com, il s'avère moins gourmand que 95% des autres sites testés. Le poids d'une page est inférieur à 250 Ko (185 Ko sur smartphone), dont 72 Ko de code pour l'affichage de la page d'accueil, et 2,2 ms de chargement, soit 0.06 g de CO2 par visite ; une performance honorable quand on sait que la moyenne se situe autour de 1,80 gramme habituellement. La preuve que l'on peut combiner sobriété et esthétisme sans forcément se lancer dans des astuces alambiquées. Malheureusement, le désir de contrôle et les possibilités de surveillance se perfectionnant de concert, le rêve d'un internet vraiment débarrassé de ces usages pernicieux restera vraisemblablement minoritaire. Les émissions carbone liées à l’usage d’internet devraient continuer à augmenter dans les prochaines années. La hausse du nombre d’utilisateurs, la multiplication du nombre d’appareils connectés joints au développement des services de streaming (YouTube, Netflix…) pourraient faire monter le chiffre à 3,5% des émissions mondiales d’ici à 10 ans.

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publié le 04/11/2022, à 17h54 par Frédéric Schäfer

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