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Le nombre d'or et le webdesign

La proportion dorée ou l'art du partage entre extrême et moyenne raison

La notion de proportion dorée est apparue récemment dans le webdesign. Sans surprise dans un domaine où les nombres sont omniprésents. Pour certains, elle incarne la notion de juste proportion. Apple l'a utilisé pour son logo, Twitter avait construit sa home page sur la base d'une spirale dorée... On l'a même croisée ici, couplée au design émotionnel. Φ serait-il une sorte de graal harmonique apte à transformer n'importe quelle mise en page en œuvre d'art? Durant le XXe siècle, l'art s'en est emparé et a contribué à amplifier cette image. Yanis Xenakis (mathématicien de formation) en musique, ou encore Serge Poliakoff dans le domaine de la peinture abstraite, fascinés, l'utiliseront sans détours. Citons pour finir Le corbusier qui en fit la racine de son Modulor, outil de mesure idéal et universel. Cependant la question de l'existence d'une réalité scientifique de l'idée de beauté associée au nombre d'or demeure.

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D'Euclide au nombre d'or, une histoire à éclipses.

Ce ratio apparait pour la première fois dans les éléments d'Euclide, prouvant ainsi que cette proportion était connue. Euclide parle du « partage en extrême et moyenne raison » d'un segment AB, c'est-à-dire le point C tel que le rapport de la longueur du segment sur la partie la plus importante soit égal au rapport de cette partie sur la plus petite (AB/AC = AC/CB). Ce rapport est équivalent au nombre d'or, dont la valeur algébrique n'a été calculée que bien plus tard. Mais il n'y ajoute aucun commentaire esthétique. À quelques exceptions près, il restera peu utilisé dans l'art antique. Marguerite Neveux, dans son livre: Radiographie d'un mythe, démontrera que les affirmations témoignant de la récurrence de ce rapport d'harmonie dans l'architecture grecque ou égyptienne sont basées sur des généralités abusives et des approximations. La confusion y est volontairement entretenue entre l'inverse du nombre d'or : 0,618 et 5/8 = 0,625, proportion banale et très utilisée en peinture comme en architecture.

L'avènement tardif d'une équation géométrique.

Il réapparaitra à la Renaissance, sous la plume d'un moine franciscain italien du nom de Luca Pacioli, qui dans un livre illustré par Léonard de Vinci, l'associe à un idéal envoyé du ciel et lui donne pour la première fois le nom de divine proportion. Mais sa véritable popularité débute avec Adolf Zeising au milieu du XIXe siècle, puis surtout avec Matila Ghyka qui en attribue la paternité à Pythagore (curieuse démarche quand on sait que l'approche mathématique des pythagoriciens était initialement bloquée par le préjugé selon lequel tout nombre devait être rationnel).

solides platoniciens,Da Vinci platonic solidsDa Vinci platonic solids

À propos de cette fameuse proportion Matila Guyka, diplomate roumain, ambassadeur en France de l'inique gouvernement dictatorial d’Antonescu (régime aussi raciste et meurtrier que celui de l’Allemagne nazie) rédigera l'ouvrage "Le Nombre d'Or - Rites et rythmes pythagoriciens dans le développement de la civilisation occidentale". Le titre du volume lui donne son nom définitif et reprend les théories de Pacioli en les généralisant au fil d'un amalgame symbolico-mystique aux accents plus que douteux: "Ce sont la géométrie grecque et le sens géométrique qui donnèrent à la Race Blanche sa suprématie technique et politique", puis plus loin, "Ce sont les races nordiques qui retrouvent [maintenant] l'élan méditerranéen vers la beauté et l'harmonie physique"... L'exercice, ambigu, consolidera pourtant définitivement le mythe.

Une réputation surfaite.

La réputation de son omniprésence dans la nature est pourtant largement surfaite. Il est absent du règne minéral car la structure pentagonale y est inexistante. Dans le régne végétal, son apparition se limite logiquement aux structures à symétrie pentamère (la structure étoilée au coeur de la pomme, le tournesol, la pomme de pin, ...). Mais les spirales logarithmiques se construisent à partir d'un nombre réel non nul quelconque. Par exemple, celle d'une coquille de mollusque est bien loin de celle de la divine proportion, 1.3 pour un nautile (contre 1.618). Le règne animal est aussi pauvrement fourni, en dehors de l'étoile de mer à cinq branches, de quelques oursins, virus, etc. On le retrouve en revanche dans l'ADN (via la structure cyclique pentagonale de certaines molécules). De manière plus indirecte, il est également présent dans la suite de fibonacci. Cette suite commence par 0 et 1 (ses deux premiers termes). A partir du rang numéro 2, il suffit d’additionner les deux termes précédents afin de trouver les termes suivants. Ainsi, le troisième terme est 0+1 = 1, le quatrième quand à lui est 1+1 = 2. De ce fait nous pouvons obtenir le début de suite suivant : 0, 1 , 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21 … plus on avance dans la suite, plus le rapport entre les deux derniers nombres s'approche de Φ (Phi). On retrouvera donc le nombre d'or de façon détournée dans la croissance des végétaux, ou la multiplication des populations de lapins.

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Afin de trancher, en 1992, George Markowsky reprend des expériences menées vers 1850 par Fechner en utilisant différentes méthodes de présentation des rectangles, différentes séries de rectangles, etc. Le nombre d'or ne ressort plus spécialement, et la valeur retenue en majorité va varier d'une expèrience à l'autre. La même expérience sera rééditée en 2005 par deux étudiants auprès de 1178 de leurs collègues de l'École Polytechnique Fédérale de Lausanne, avec une conclusion similaire. La figure qui sera la plus citée s'avèrera avoir une proportion de 1,35, plutôt éloignée de la valeur du nombre d'or (1,618) mais assez proche de celle du format A4. Un format beaucoup plus intéressant, utilisé depuis des siècles dans l'histoire des arts et qui est le seul à conserver ses proportions une fois plié en deux. Ce rapport entre longueur et largeur doit pour cela être égal à √2 soit environ 1,4142. En fonction de leur taille, la déclinaison de ces formats sous forme de feuilles portent différents noms dont l'origine remonte au XIVe siècle.

Un outil plutôt qu'une règle absolue

L'utilisation du rapport doré permettrait-il d'atteindre à tout coup la perfection ? Bien évidemment non ! On citera à ce propos Le Corbusier étrillant les amateurs besogneux usant à tort et à travers de son système de mesure : « Sur les tables à dessin j'ai vu parfois des choses mal agencées, déplaisantes : "C'est fait au Modulor, Monsieur." Et bien tant pis pour le Modulor ! Est-ce que vous vous figurez que le modulor est une panacée pour les maladroits et les inattentifs ? Si le Modulor doit vous conduire à des horreurs, laissez tomber le modulor ! Vos yeux sont les seuls juges, les seuls que vous deviez connaître... » Pour conclure, on peut dire que le rapport doré n'est ni plus ni moins recommandé qu'un autre. Tout dépent de l'endroit où il apparait et de ce que l'on veut communiquer. son utilisation parcimonieuse donne une impression de repos et de stabilité. Si l'on désire exprimer le dynamisme ou le mouvement, il vaudra mieux faire autrement. Son utilisation est en revanche préconisé en cas d'incertitudes sur les choix à adopter. Sur son site, Fabio Bertagnin propose une application intéressante de la spirale de Fibonacci dans la composition d'une page web, ainsi qu'un modèle à télécharger au format svg pouvant servir de gabarit. Si vous avez déjà une colonne d'une largeur pré-définie et souhaitez trouver la largeur d'une colonne supplémentaire tout en respectant les règles d'harmonie assistées du nombre d'or, rendez-vous ici. Quand au golden ratio typography calculator, il s'appuie sur le nombre d'or pour déterminer taille, interlignage et nombre de caractéres par ligne pour une largeur de contenu donnée.

publié le 09/03/2014, à 19h16 par Frédéric Schäfer


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