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La porte d'harmonie

Propriétés géométrique de la diagonale du carré

Elle est construite à partir de la diagonale du carré qu'elle contient. Celle-ci est égale à √2. Plus fascinante que le nombre d'or, omniprésente dans l'histoire des arts, utilisée par les plus grands architectes de la renaissance, mais déjà mise à contribution bien auparavant dans les ornements de l'art islamique, ses propriétés esthétiques ne sont plus à démontrer. Les rectangles dont les proportions sont définies par √2 sont d’une très grande richesse géométrique. La Joconde, La belle Ferronnière, La belle Princesse, ou La Dame à l’Hermine), toutes quatre de Léonard de Vinci, sont des œuvres dont les dimensions correspondent au rectangle harmonieux. Soulignons que le rectangle harmonieux, aussi appelé porte d'harmonie, ne doit absolument pas être confondu avec le nombre d'or.

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Une origine venue de la nuit des temps

Sa découverte remonte à plus de quatre mille ans. En témoignent les tablettes d’argile de scribes babyloniens. Ceux-ci connaissaient √2 ainsi qu'un algorithme pour la calculer de façon approchée. Une méthode d'une telle précision qu'elle n'a été dépassée par l'Indien Govindashwamin que deux mille cinq cents ans plus tard. Sa redécouverte au VIe siècle av. J.C. a créé un émoi certain chez Pythagore et les membres de son école. √2 est un nombre à décimales illimitées non périodiques, c'est à dire un nombre irrationnel. La légende dit qu’on a sacrifié 100 bœufs (Une hécatombe) pour célébrer l'évènement. Elle dit aussi que celui qui a divulgué l'information, Hippase de Métaponte, aurait fini noyé en pleine mer. Pour les pythagoriciens, un nombre se doit d'être réel et absolu. Ce nouveau nombre est une horreur ! Il n’y a pas de fraction permettant de le caractériser, et l'on pense que c'est cette particularité qui a orienté les esprits vers la géométrie durant les siècles qui ont suivi.

Le nom de porte d’harmonie donné à cette proportion a été popularisée par Paul Sérusier, en 1921, mais on la trouvait dèjà dans d'anciens traités d’architecture. En 1892, l'égyptologue Francis Griffith a émis l'hypothèse qu'un système de mesures de longueur, dit « digital » et montrant des rapports de longueurs égaux à 7/5 et 10/7, pourrait avoir été conçu pour donner une approximation de √2 qui servait aux architectes pour réaliser des angles droits avec précision. Approchons le problème d'un point de vue géométrique et prenons un carré. Rabattons la diagonale de celui-ci sur le côté horizontal. nous obtenons ainsi un rectangle dont le rapport entre chacun coté est égal à √2. La Flagellation du christ de Piero della Francesca en est un parfait exemple. Le côté vertical du carré absorbé par le format est qualifié de « ligne de force ». Cette ligne de force est située approximativement au tiers (en fait 0,71 au lieu de 0,67) de la composition. C'est cette proportion qui a donné naissance à la règle des tiers universellement utilisée en composition.

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« Pas de fond, pas de forme. La forme est la résultante. S'il n'y a point de fond, de quoi la forme est-elle la forme? »
—Victor Hugo


Entre la Cloche et le Grand Monde... une histoire de papier.

Au XIVème siècle, la France possédait de nombreux moulins à papier qui fabriquaient des feuilles de format différents, mais tous sont basés sur cette fameuse proportion. L'invention s'était répandue en Europe au XIIIe siècle, suite à l'importation de cette technique venue de Chine. Rapidement, concurrence oblige, certains fabricants commencèrent à réduire le format et l'épaisseur des feuilles. Et en 1398, afin de clarifier la situation, le bailli de Troyes, Louis de Tignonville, appuyé par le roi Charles VI, rend une ordonnance obligeant les "ouvreurs" à signer leur fabrication sous peine de confiscation. C'est ainsi qu'à la fin du XVIème siècle, chaque papetier employait un filigrane distinctif, propre à sa fabrication. Au cours des siècles suivants, les papetiers les plus appréciés furent imités par l'ensemble des fabricants. Et les "formes" prirent le nom des filigranes qu'elles portaient : Raisin, Jésus, Colombier, etc... Quand le papier était fabriqué à la main, sa dimension pouvait varier en fonction des conditions de fabrication (saison, durée du séchage, gélatinage, stockage) et ce malgré les règlements. Une certaine tolérance était donc admise.

Aujourd'hui les formats de papier, normalisés par l'Afnor, sont les suivants :
 

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Une astucieuse technique de pliage

Dans le format de papier international, développé en 1922 par l'ingénieur allemand Dr. Walter Porstmann, le rapport de la longueur à la largeur de la feuille de base vaut la racine carrée de deux (√2 = 1,414213). Prenons une feuille d’un mètre carré. Cherchons Hauteur et largeur tels que H x l = 1 et que H/l = √2. Il n'y a qu'une seule solution : 1,18936 / 0,8410048. Convertissons en centimètres : 118,9 cm x 84,1 cm. Nous tombons pile entre deux des plus grands formats de la gamme française : le format Grand Monde et le format Grand Aigle ! Cerise sur le gateau, ce rapport a la propriété de se conserver lorsqu'on plie ou coupe la feuille en deux dans sa grande dimension. Le rapport √2 remplit donc l'exigence de conservation de l'aspect (conservation du rapport longueur sur largeur). On passe d'une feuille au format Ax au format Ax + 1 en pliant la feuille Ax dans la grande dimension.

En effet, en partant de la plus grande feuille, on obtient les autres en pliant en deux le côté le plus grand. C’est ainsi que le rapport entre la hauteur et la largeur est toujours le même : Hauteur = √2 x Largeur. Si on la plie en deux, on obtiendra deux feuilles de 59,4 cm x 84,1 cm (seul le plus grand des côtés est divisé par 2). Et ainsi de suite. le fait d'obtenir chaque nouveau format simplement en découpant le précédent évite tout gaspillage de papier lors de la fabrication, et permet d'économiser de la place pour le stockage. Enfin, cela permet de réduire ou d'agrandir un document tout en respectant ses proportions. Reste la question des indices. Pourquoi plus le chiffre avance - A0, A1, A2, A3, A4 - plus la taille de la feuille diminue ? Parce que l’indice placé après le A n’indique pas une taille, mais le nombre de pliages à partir du format de départ, appelé par convention A0. Le A4 a un pliage de plus que le A3 : c’est donc un format plus petit : il est le résultat obtenu après quatre pliages de notre feuille de 1 m², qui représente donc 16 feuilles A4, ou 8 feuilles A3, ou 4 feuilles A2, et ainsi de suite.



L'in-octavo par exemple, également noté in-8o et parfois prononcé in-huit, est une forme de livre où la feuille imprimée a été pliée trois fois (A4 si on commence avec une feuille A1), donnant ainsi huit feuillets (1/16 m²), soit seize pages. Bien sur, l'in-octavo est plus ou moins grand, selon l'étendue de la feuille de d'origine.

Le calcul des décimales

L'une des façons d'écrire les décimales de √2 est son développement en fraction continue.
fraction continue
L’écriture en fraction continue d’un nombre revient essentiellement à écrire ce nombre sous forme d’une fraction dont les dénominateurs sont eux-mêmes des fractions. Le début du développement de √2 est donné par les valeurs 1, 3, 5, 5, 16, 18, 78, 102, 120, 144, 251, 363... À l’heure actuelle, on ne sait pratiquement rien dire de cette suite. Il y a un écart considérable entre, d'une part, calculer les décimales de √2 de proche en proche et, d'autre part, connaître suffisamment bien le processus logique qui les gouverne pour être capable, par exemple, de déterminer la millième décimale de cette racine particulière sans avoir au préalable calculé toutes les précédentes. Comme l'écrit Benoît Rittaud, « La racine carrée de 2 donne l'exemple sans doute le plus extrême de nombre pour lequel triomphent les méthodes quantitatives et pour lequel les questions d'ordre qualitatif sont aujourd'hui sans réponse ». La belle proportion de la Porte d’Harmonie garde encore bien des secrets...

publié le 29/11/2019, à 15h28 par Frédéric Schäfer

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